
Quelques images du trailer !
https://www.youtube.com/watch?v=xn9vNhBstIU
(...) La rue est déserte sous cette nuit sans étoiles, une pluie fine vient d’entamer une molle sarabande et strie les rares lumières aux vapeurs de sodium dispersées ça et là, au gré de réverbères, enracinés dans le bitume pas encore luisant.
Le petit studio mobile (deux anciens containers métalliques recyclés et assemblés pour créer une modeste construction d’un seul tenant) a une teinte orangée sous les éclairages urbains.
La porte est grande ouverte, des traces de pas sombres en sortent et s’étalent sur le ciment. Le crachin n’est pas assez abondant pour avoir pu produire son œuvre purificatrice. Il y a un sillon plus long que les autres, signe d’une glissade, d’une foulée accélérée dans la précipitation d’une fuite.
Une lumière à dominante rouge émane de l’entrée. De cette bouche béante ne provient aucun son à part un très léger grésillement, un souffle d’origine électrique.
L’intérieur, refuge des papillons de nuit qui recherchent le soleil artificiel de spots encore allumés, dégage une odeur douceâtre aux relents de métal. Une exhalaison qui saisit immédiatement à la gorge. Il y a également un autre remugle, prégnant, celui de fluides corporels.
Avec ce halo rouge, le studio prend des allures d’entrailles de submersibles où cette lumière est censée représenter la nuit chez les hommes confinés au fond des océans, afin de respecter leur horloge biologique. Cette nuit, cette couleur désigne beaucoup plus que cela !
Au centre de la pièce gît une batterie renversée aux fûts crevés et aux pieds de cymbales tordus. Seule la caisse claire est restée étonnamment droite sur son support de métal au milieu de cette désolation. Sa peau est recouverte intégralement d’une aquosité visqueuse qui donne l’image d’un glaçage pâtissier sur un gâteau. Une baguette gît, brisée, sur un sol revêtu d’une moquette rase qui semble avoir absorbé de grosses quantités d’un liquide brunâtre et épais dont le trop-plein stagne en petites mares éparses.
Les amplis sont également couchés par terre, les tissus de protection sont éventrés, laissant jaillir des organes de métal et de caoutchouc. L’un d’eux fonctionne encore, son cordon d’alimentation toujours relié à la prise murale. Il émet un bourdonnement et exhale un souffle rauque, presque à l’agonie, par l’entremise de la membrane déchirée de son haut-parleur.
Les instruments électriques gisent à terre, certaines cordes sont cassées. Guitares et basse sont recouvertes d’éclaboussures écarlates, il y a même ce qui ressemble à une trace de pas sur la basse, bien visible sur le blanc vernis du corps en tilleul. Plus loin au sol, repose un étui de guitare, enfoncé au niveau du couvercle, piétiné. Les attaches en métal, qui n’ont plus rien à protéger, pendent sur leurs fixations.
Les murs semblent avoir été passés au kärcher, constellés d’éclaboussures, de coulures et de traînées qui forment des arabesques complexes dans une recherche artistique abstraite.
Même les spots encastrés en hauteur, dont certains brisés, ont reçu leur projection de carmin.
Sur les cloisons, au milieu de ces traces qui fusent dans toutes les directions, sont plaqués comme des bouts de tissus bruns, en train de glisser mollement vers la moquette buvard. Certains de ces paquets sont répandus, telles des méduses colorées, contre les parois des amplis et des enceintes de retour, mais aussi sur les toms de batterie. Il y en a même un qui, rappelé par les lois de la gravité, glisse paresseusement d’une cymbale, pour tenter de rejoindre ses congénères au sol.
Le plafond n’a pas été épargné, des milliers de gouttelettes qui forment de grandes traînées rageuses, dessinent une voie lactée en négatif ; rouge dément sur ciel blanc.
Sur la moquette spongieuse se trouvent les corps suppliciés. Quatre silhouettes sont éparpillées là au hasard de la lutte et des tentatives de fuite. À mi-chemin entre le studio de répétition et le local d’enregistrement, la première est allongée sur le ventre, face contre terre. L’un de ses bras est tendu devant elle, comme si au dernier moment, elle avait cherché à agripper un rivage hypothétique. Quelque chose pour lui permettre de s’extraire d’une marée rouge sang. La main n’est pas dans le prolongement de l’avant-bras, un gouffre d’au moins dix centimètres l’en sépare, elle est là, indépendante du reste, les doigts recroquevillés, pareille à une araignée morte. La silhouette est presque scalpée, son cuir chevelu est retourné sur le haut du crâne. Son dos n’est plus que lacérations et plaies profondes ne permettant même pas de reconnaître la couleur de son tee-shirt. Les entailles sont si béantes, que le cartilage des côtes apparaît par endroits, au milieu des fibres musculaires et des tendons sectionnés. Il y a également une baguette de batterie, cassée net sous la violence du choc, enfoncée à demi dans l’oreille droite. La semelle de l’une de ses chaussures est entamée tellement profondément, que l’on distingue la plante du pied.
La seconde silhouette, près de l’ampli basse qui ronronne encore, gît allongée sur le dos, son crâne entièrement chauve entaillé à plusieurs endroits. La tête est légèrement tournée sur le côté, vers la porte, inaccessible échappatoire, ses yeux bleus grands écarquillés et sa bouche figée dans un ultime cri silencieux. L’un de ses bras est levé comme pour se protéger. Il n’y a plus rien depuis le coude, et une sorte de rouleau tatoué d’un mélange d’encre et de sang repose sur son torse ; les doigts ont tous disparu, éparpillés au sol tel un mikado insane. Son estomac est recouvert de profonds sillons qui laissent apparaître la couche de graisse abdominale au travers du textile imbibé. Les jambes n’ont pas été épargnées, le jean est complètement lacéré et gorgé de sang, et d’un autre liquide, à l’entrejambe. Sa vessie a dû lâcher pendant ou après le carnage.
Les deux silhouettes restantes sont recroquevillées dans un coin du studio, comme si elles avaient été sacrifiées en dernier, contraintes d’assister au massacre des premières. Il est difficile de savoir à qui appartient tel ou tel membre. Tout est noyé sous une même couleur sombre. L’un des deux corps est pratiquement décapité, mais la tête intacte tient encore par l’arrière au tronc, alors même que l’énorme balafre au niveau de la gorge est béante. Les yeux sont gonflés, mais fermés, apaisés, dans un sommeil rédempteur, sans fin ni rêves, le contraste est saisissant avec la brutalité extrême de la blessure.
À la base du cou, les tendons et les muscles sont sectionnés proprement, peut-être même l’ont-ils été en une fois. L’arme dévastatrice devait ressembler à un rasoir géant. Une éruption incroyable de sang a dû jaillir du tronc, la carotide a dû projeter à plusieurs mètres ses saccades de vie en longs jets sur les murs.
Bientôt, deux policiers municipaux arriveront dans cette pièce. L’un d’eux vomira et sortira précipitamment pendant que l’autre, plus solide ou avec l’estomac moins lourd, avertira les secours et les renforts sur la radio de la voiture.
Dans quelques heures, l’entrée du studio sera barrée par des rubalises jaune vif marquées « POLICE TECHNIQUE ET SCIENTIFIQUE — DRPJ de PARIS — ZONE INTERDITE ».
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Nelly78114
20/09/2019